[À écouter] Résistants de Touraine : à vélo, Robert Boutin portait des messages entre le maquis et Tours

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Robert Boutin, 97 ans, en avait seulement 16 quand il est devenu messager de la Résistance, entre l’Indre et l’Indre-et-Loire. Et 18 quand il a vécu la bataille de Pêchoire, le 23 juillet 1944.

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C’est au Blanc, dans l’Indre, là où il vit désormais, que nous lui avons posé la question. « Est-ce que j’ai eu peur ? Non, jamais sur le moment. J’y allais, je fonçais. C’est après, une fois le danger passé, que l’émotion remontait… »

Robert Boutin se souvient. Né le 25 novembre 1926, au Gabriau, au cœur de la Brenne, dans l’Indre, il avait 13 ans lorsque la guerre a débuté en France, et 14 ans quand il a commencé à « envoyer sur de mauvaises routes les Allemands qui nous demandaient leur direction. On me disait qu’ils étaient nos maîtres, qu’il fallait leur obéir. Je m’y suis toujours refusé, j’ai toujours dit non ! » Rien d’étonnant à ce qu’on le retrouve, quelques années plus tard, impliqué dans la Résistance, avec de sacrées responsabilités pour son jeune âge.

Dans le maquis à Preuilly-sur-Claise                                                                          

« Je suis entré au maquis Carol, qui a rejoint le maquis Épernon, en forêt de Preuilly-sur-Claise, le dimanche qui a suivi le débarquement, sous les ordres du Prince Murat, qui m’a pris sous son aile. Je suis parti comme ça, d’un coup, sur mon vélo, pour ne pas que ma mère m’empêche d’y aller. Au début, on m’a demandé de faire des petites courses, pour me tester ! On vivait dans les bois, on dormait sur des sacs et on avait des racines d’arbres pour oreillers… » Il va y rester quatre mois.

Quatre mois intenses, entrecoupés d’escarmouches avec les Allemands, comme cette fois où, en side-car, alors qu’il remontait, avec un camarade, une colonne allemande, il a jeté une grenade aimantée à retardement sur une citerne de carburant en fin de convoi. La citerne a explosé. « Ah ça oui, on en a fait, des choses… On faisait des barrages, on provoquait des accrochages… Si j’ai tué des Allemands ? Quelques-uns… »

 

Écouter le témoignage de Robert Boutin (cliquez ici)

« Sur le trajet, je me faisais contrôler deux fois »

Grâce à la confiance que lui accordait le Prince Murat, le jeune Robert s’est ensuite vu confier des missions de plus en plus compliquées, comme celle d’être le messager entre la forêt de Preuilly et… Tours. « Le Prince Murat était brûlé, c’est-à-dire reconnu. Je l’ai donc remplacé en tant qu’agent de liaison. Comme je me débrouillais bien sur un vélo, je faisais les trajets jusqu’à Tours. Il y avait à peu près 70 km. J’ai dû le faire cinq ou six fois… On me montrait un trajet, je l’apprenais par cœur, et je le déchirais. Je devais me rendre dans le centre de Tours, dans le secteur des halles. Je devais livrer des messages, que je cachais dans le double fond de ma musette. Sur le trajet, je me faisais contrôler deux fois : à Loches, par la police française, et à Reignac-sur-Indre, par la police allemande. Si je m’étais fait prendre ? Je ne serais plus là pour en parler… »

Robert Boutin le dit lui-même : « J’avais 17 ans, je ne calculais rien. Mais une fois que c’était fini, souvent, ou je pleurais, ou je vomissais. Mais il fallait que j’évacue. »

Des larmes, il en a versé également beaucoup lors de la bataille de Pêchoire, le 23 juillet 1944, en forêt de Preuilly : « Notre campement était à 300 mètres de la bataille. Notre compagnie a décroché, on ne pouvait pas tirer parce qu’on risquait de le faire sur les collègues en face », se souvient Robert.

Ce n’est que quatre ou cinq ans après qu’il saura que huit résistants et douze Allemands sont morts. « Les premières années, je ne pouvais pas y retourner, j’étais bloqué. Deux heures avant, Charles Fabre, un ami, me parlait de mes parents. Il a été tué comme un chien… Ce jour-là, je regrette de ne pas avoir pu intervenir. Avec mon groupe, on était 80, on aurait pu gêner les Allemands. Eux, ils étaient plusieurs centaines, on m’avait dit 3.000, à l’époque… Mais les ordres, c’était les ordres. » Il les aura respectées jusqu’au bout, jusqu’à ce 6 septembre 1944, où il a quitté le maquis, pour une autre aventure tout aussi folle : celle de s’engager dans l’armée française.

« Résistants de Touraine »

Ils avaient 10, 15 ou 18 ans quand la Seconde Guerre mondiale s’est imposée dans leur vie. Ils auront cette année 94, 99 ou 102 ans. Leur parole se fait de plus en plus rare, et pourtant, leur témoignage direct, vivant, au croisement de la chronique quotidienne et de la grande histoire est précieux.

Grâce à l’aide de l’association Eril (Études sur la résistance en Indre-et-Loire), La Nouvelle République a recueilli le témoignage de quatre témoins de cette période hors normes. Depuis leur village d’Indre-et-Loire, ces anonymes ont servi la Résistance, participant à faire passer hommes, courriers, messages ou ravitaillement. Avec leurs mots chargés de souvenirs, ils font revivre ces pages d’histoire locale comme seuls savent le faire ceux qui les ont vécues.   

 

Christophe GERVAIS

Journaliste, rédaction de Châteauroux

 

 

Déjà paru :

Podcast 1/4  Geneviève Blanc a tendu la main au rescapés du train de Langeais (cliquez ici)

Podcast 2/4  à 17 ans, Edouard Papillault passait du courrier et aidait les clandestins (cliquez ici)

Podcast 3/4 enfant Jacques Avrin a vu la Résistance s'organiser (cliquez ici)

 

 

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