La Ville de Tours a officiellement débaptisé l'avenue Charles Bedaux ce samedi 10 novembre 2018.

« " Voilà une terrible erreur de l'histoire" réparée » a dit le maire lors de son allocution. Depuis 50 ans cette avenue située dans la zone industrielle du Menneton à Tours portait le nom d'un sinistre collabo. Ce n'est qu'au mois d'octobre dernier que la Ville a décidé de débaptiser cette avenue, pour lui donner le nom de Thérèse Voisin,  résistante déportée à Ravensbrück.

 

Yvon Voisin, fils aîné de Thérèse a remercié le maire de Tours et son conseil municipal d'avoir eu le courage de débaptiser une avenue et a dit, je le cite :      " remplacer le nom d'un collabo par celui d'une résistante, c'est rendre justice à la représentation des femmes dans la Résistance et parler d'elles comme victimes de la déportation de répression ". 

 

Quelques extraits de l'intervention d'Yvon  à propos de Thérèse Voisin

 

" Thérèse est parisienne et avec son caractère bien trempé, entre les injustices elle s'est naturellement orientée vers la défense de son pays. Pour imager sa personnalité je vous propose quelques exemples puisés dans ses mémoires. Vers neuf ans, après avoir observé le comportement des petites bourgeoises de son école privée vis-a-vis des pensionnaires orphelines elle dit :

« Un jour j'ai éclaté, j'ai hurlé, j'ai dit tout ce que  je pensais de leur façon d'agir, de leur hypocrisie. Emmenée devant la mère supérieure j'ai été renvoyée tout de suite. Grande était ma joie ».

A l'adolescence elle habite Paris. Un jour elle est témoin d'une altercation entre  des  policiers et un brave homme accusé de les avoir insultés. Thérèse prend fait et cause pour ce brave homme et se retrouve embarquée au commissariat d'où elle est expulsée après avoir semé la pagaille et hurlé contre les policiers.

A seize dix-sept ans elle entre dans une organisation, les Jeunes filles de France ayant comme responsable Danielle Casanova (future résistante et déportée).

                                      

Thérèse rencontre Antoine,Louis (son futur  mari)  lors d'une manifestation en 1937. Thérèse et Louis Voisin choisirent de quitter Paris pour retrouver la famille de Louis à Tours. Ils s'installent  quai Paul Bert.

En juin 1940 c'est l'arrivée à motos des premiers Allemands à Tours, qui établissent leur camp  quai Paul Bert.                                                            

Louis et Thérèse entrent en résistance contre le régime de collaboration de Pétain et adhèrent au Front National de libération de la France initié en 1940 par le Parti Communiste Français.  

Louis est arrêté en août 1942 suite à un attentat commis par des ouvriers de la CIMT bien connue des Tourangeaux.

Thérèse sous le pseudo Arlette participe à de nombreuses actions de résistance comme l'attaque d'une mairie pour récupérer des tickets de rationnement.

Elle est arrêtée le 5  avril 1943 avec sa belle-mère Julia qui sans le dire avait monté  un petit groupe pour distribuer des tracts. Thérèse sera mise au secret pendant trois semaines.

Les deux femmes sont emprisonnées à Orléans pendant cinq mois, puis vient le jugement. Le 11 septembre 1943 elles sont condamnées à dix-huit mois de prison. En février 1944 elles sont transférées à Chalons-sur-Marne. Le 1er mai 1944 c'est le départ pour  Romainville  où elles sont enfermées dans des casemates.  Au bout d'une  quinzaine de jours Thérèse et Julia partent dans des wagons à bestiaux direction  le camp de Ravensbrück. C'est dans ce camp que Thérèse rencontre Jeanine jeune fille de 16 ans. Elles ne se quitteront plus jusqu'à leur libération.........

Un matin appel des Françaises des matricules 37000. Les  SS trient quelques  femmes, celles d'un prochain convoi. Le transport se déroule avec des civils......

Julia est restée à Ravensbrück, elles ne se sont plus jamais revues.

Thérèse  est transférée au camp de Zvodau,  kommando de Ravensbrück situé en Tchécoslovaquie. Ce kommando est une grande usine au milieu d'un grand bourg.

Les femmes sont emmenées dans l'usine où les attendent d'énormes machines utilisées pour l'aviation. Elles n'y resteront que quelques semaines, Thérèse travaille sur un tour, elle a beaucoup de difficultés à serrer les pièces..............

Treize Françaises dont Thérèse et Jeanine sont envoyées à Graslitz, un autre kommando de Zvodau.

Plus tard elles apprennent  que le débarquement avait eu lieu en France. Un matin les Françaises ont entendu  des coups de canon et cela a duré plusieurs jours. Il était question de mettre les déportées sur les routes, les fameuses marches de la mort.

Profitant d'un moment de remue-ménage  dans le camp suite à un appel et une alerte, Thérèse et Jeanine réussissent  à se sauver du camp en passant par la fenêtre des toilettes. ............

Les deux femmes sont secourues par des prisonniers Français qui les remettent à l'armée américaine. Le 8 mai 1945 elles sont encore en Tchécoslovaquie. En prenant différents trains au milieu de prisonniers de guerre elles réussissent à rejoindre la frontière française ............

Thérèse  explique la fin de son vécu : " on s'est toutes embrassées, on a chanté la Marseillaise et le Chant du départ, on pleurait de joie et enfin nous avons regagné Paris où beaucoup de monde nous attendait à l'hôtel Lutétia. Je ne connaissais personne. J'ai pris des nouvelles de mon mari, puis la direction de Tours pour y retrouver mes enfants. Allaient-ils me reconnaitre ? Se souvenaient-ils de moi ? Ils sont venus au-devant de moi, on s'est serré très fort, ils étaient très émus. Les amis Despouy les avaient sauvés. Nous sommes retournés rue Febvotte chez la grand-mère Hélène . J'ai dû  lui annoncer la mort de Julia au camp de Ravensbrûck sans savoir à ce moment qu'elle avait été gazée le 6 mars 1945 à l'âge de 59 ans. Louis mon mari est revenu très affaibli après avoir été sauvé par des Anglais au mouroir de Sandbostel. Je ne regrette rien mais j'espère que nos jeunes puissent vivre en paix malgré les dangers qui les guettent. Je voudrais dire comme  Bertolt  Brecht « attention le ventre est encore fécond d'où a surgit la bête immonde ». "

 

C'est avec beaucoup d'émotion qu'Yvon Voisin termine  son discours en remerciant l'assistance  et les porte-drapeaux.

 

Christophe Bouchet, maire de Tours, Yvon Voisin et Jean Soury président de l'ANACR 37

 

Yvon Voisin, Jean Soury président de l'ANACR 37, Fabien et Gérard Voisin pendant le discours du maire de Tours Christophe Bouchet

 

 

Jean Soury, au nom de l'ANACR 37 et de l'ADIRP 37 a rendu hommage à Thérèse Voisin en soulignant qu'elle avait choisi  " le chemin de l'honneur, alors que Charles Bedaux avait choisi de collaborer avec le nazisme".

 

Voici l'hommage à Thérèse Voisin

 

Hommage à Thérèse VOISIN, le 10 novembre 2108

 

      Nous sommes rassemblés en ce lieu pour débaptiser une avenue portant le nom d’un homme qui avait choisi dans son comportement de collaborer avec le nazisme. Nous allons dans quelques instants lever ce voile pour découvrir le nom d’une femme Thérèse VOISIN, résistante déportée, une amie, qui avait quant à elle choisit le chemin de l’honneur.

      La municipalité de Tours ne peut que s’honorer d’avoir réalisé cet acte de salubrité publique au moment où dans différents pays d’Europe, notamment en Italie, l’extrême droite fascisante est au pouvoir.

       Parler de Thérèse, il nous faut aussi parler d’Antoine son mari. Tous les deux, étaient membre du Parti communiste, ils se battaient pour un idéal qui en son temps bouleversa le monde et donna beaucoup d’espérance aux prolétaires de tous les pays. Mais je ne suis pas là pour glorifier ou faire le procès de cette page d’histoire qui eut ses heures de gloire mais qui par la suite, causa beaucoup de déceptions.

      Rendre hommage à Thérèse et à Antoine, c’est rappeler ce que fut leur engagement au service de la patrie dans un moment difficile de notre histoire nationale.

     Mais, il nous faut évoquer les combats de Thérèse avant la guerre, à 17 ans elle adhère aux « Jeunes Filles de France » et participe à ces fameux soirs des six et neuf février 1934 à l’affrontement contre les fascistes, les membres de la Cagoule d’extrême-droite, les Croix de Feu qui tentent de renverser la République. Cette tentative échouera grâce à l’unité des socialistes et des communistes.

      Thérèse est devenue une vraie militante antifasciste, elle participe, parfois avec sa maman à toutes les manifestations. Le 1er mai 1937, c’est un grand jour. Un grand défilé a lieu, la classe ouvrière clame sa joie des premiers acquis sociaux du « Front Populaire » qu’il faudra continuer à défendre. Thérèse participe avec les « Jeunes Filles de France » à cette manifestation. C’est là qu’elle rencontre Antoine Voisin qui manifeste avec les « Jeunesses Communistes.

     Antoine tombe sous le charme de Thérèse. Antoine à 24 ans. Tous les deux, s’installent dans un petit logement de la région parisienne. Mais les difficultés de vivre à Paris les contraints à quitter la capitale. C’est à ce moment qu’ils viennent s’installer à Tours.

 

      Et là c’est la guerre, 1940 comme chacun sait, c’est la défaite de nos armées, et cela malgré l’héroïsme de nos soldats. C’est l’instauration d’un régime autoritaire, le fascisme hitlérien, le nazisme, il faut se soumettre.

      Cela signifie pour notre peuple qu’il n’y a plus de libertés fondamentales.  Alors que la France tombe dans le déshonneur de la défaite et de la collaboration avec l’ennemi, il y a des femmes et des hommes qui, sur le sol national refusent de se soumettre et parmi eux, il y a Thérèse et Antoine.

      Pour Thérèse et Antoine c’est le début d’un travail clandestin. Le 1er avril 1941 Thérèse et Antoine adhèrent au « Front National de lutte pour la Libération et l’indépendance de la France » créé par parti communiste mais qui rassemble des gens de toutes opinions.

     C’est la distribution de tracts appelant les gens à la résistance, collage d’affiches etc. Mais voilà, l’occupant veille aidé en cela par des collabos français, la Gestapo et la police de Vichy. Malgré leurs précautions, Antoine est arrêté 14 août 1942, il sera transféré aux camps de Dachau, puis Neuengamme sous le matricule 58086.

      Le 5 avril 1943, c’est au tour de Thérèse d’être arrêtée à Tours. Sa Belle-mère Julia est aussi arrêtée. Les deux femmes sont transférées à la prison d’Orléans, elles y resteront jusqu’au jugement du 11 septembre. Elles sont condamnées à 11 mois de prison.

     Le 16 mai, elles partiront au camp de Ravensbrück, Thérèse devient le matricule 39117 et Julia le matricule 39139.

      Thérèse sera transférée au camp de Flossenbourg avec un nouveau matricule 57575. Julia décèdera le 6 mars 1945 à Ravensbrûck.

       Nous voilà à la fin de la guerre et c’est la Libération, Thérèse retrouvera Antoine très affaibli à l’hôpital.

      On retrouve Thérèse et Antoine à Tours, fidèle à l’engagement de toute leur vie, Thérèse et Antoine poursuivent leur travail de mémoire. Antoine, avec un autre camarade, est à l’origine de la cérémonie de ce quartier des « Bords de Loire » ou quatre habitants tombèrent sous les balles des nazis. Nous en assurons aujourd’hui la pérennité.

    Les combats d’après-guerre sont tout autre. Avec la guerre froide, il s’agit de se battre contre le danger d’une guerre nucléaire et d’exiger le désarmement de cette arme diabolique.

      Et puis il y a les guerres coloniales, celle d’Indochine et celle d’Afrique du Nord. Ces peuples souhaitent, comme nous, de vivre libre et indépendant. Tous les deux, sont de toutes les manifs.

      Je vous recommande de lire le remarquable travail de mémoire réalisé par les enfants en hommage à leur maman et à leur papa.

      Malgré le serment des déportés « Plus jamais ça », nous assistons en France et en Europe à la montée d’idéologies nauséabondes qui, dans le passé, nous ont fait tant de mal.

     Si nous ne réagissons pas, ceux qui sont porteurs de ces idéologies n’auront pas besoin des chars de Hitler et de Mussolini pour accéder au pouvoir comme ce fut le cas en Espagne en 1936 et en France en 1940. Profitant de la crise de notre société, du chômage, de l’aggravation des inégalités sociales, ils utilisent tout simplement de nos jours, les voies institutionnelles de la République.    

        Thérèse doit être  un exemple pour la jeunesse, il nous faut rappeler son combat, celui de toute sa vie pour la liberté, les droits de l’homme et la paix qui reste notre combat de tous les jours. Thérèse fait partie de ces femmes qui malgré tous les risques encourus, restèrent debout dans la tourmente.

      Quand, tout à l’heure va apparaître sur cette plaque le nom de Thérèse Voisin, nous découvrirons le nom d’une femme qui a consacré sa vie à lutter contre le fascisme, le racisme, pour une société plus humaine répondant aux exigences de notre temps. A l’exemple de nombreuses femmes résistantes, honorons cette femme qui a fait preuve, de dévouement, d’esprit de sacrifice, d’amour de la Patrie, je dirai aussi de beaucoup de courage.

                                                                                     

 

 

La nouvelle plaque a été dévoilée par Yves Voisin, fils de Thérèse Voisin, et le maire, Christophe Bouchet. © Photo NR

 

La vidéo du dévoilement de la plaque Thérèse Voisin

 

Au nom de l'amicale de Ravensbrück, Françoise Marchelidon fille de déportée, a chanté le Chant des Marais (chant des déportés) , repris en coeur par l'assistance visiblement très émue.

 

Un vin d'honneur offert par la mairie était servi à l'issue de la cérémonie.

 

Vidéo de la cérémonie (Dominique Maugars - cliquez ici)

 

ADIRP 37-41

 

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