Samedi 23 janvier, le Comité Femmes Solidaires de Saint-Pierre-des-Corps, la municipalité représentée par l'adjoint Mickaël Chapeau , les élus, ainsi que les associations patriotiques ont rendu  hommage aux femmes déportées à Auschwitz  par le sinistre convoi du 24 janvier 1943. Cette cérémonie s'est déroulée en comité restreint en respectant les règles sanitaires en vigueur.

Les porte-drapeaux des associations patriotiques - Photo mairie Saint Pierre-des-Corps

 

L'assistance - Photo mairie de Saint-Pierre-des-Corps

 

Dépôt de gerbe par Mickaël Chapeau adjoint à la mairie de St Pierre-des-Corps et la représentante de l'association Femmes Solidaires - Photo mairie Saint Pierre-des-Corps

 

Danièle Bouhourdin de l'Association Femmes Solidaires a rendu hommage aux femmes déportées - Photo mairie Saint Pierre-des-Corps

 

Le discours de Danièle Bouhourdin

Chers Camarades,

Chers Amis,

Merci encore une fois d'avoir répondu à l'invitation de notre Comité de St Pierre des Femmes Solidaires.

Vous nous permettez ainsi d'honorer la mémoire des 231 premières femmes françaises victimes du nazisme, déportées à Auschwitz.

24 janvier 1943, un dimanche particulièrement froid.  A Compiègne, ces femmes sont transportées en camion jusqu’à la gare pour être transférées  dans le train de la déportation.

Elles sont entassées dans des wagons à bestiaux et après un long voyage de 3 jours, elles arriveront sur leur lieu de souffrances : sous la neige, elles découvrent les barbelés, les miradors du célèbre camp d'Auschwitz-Birkenau.

A leur départ, elles entonnent La Marseillaise. Elles chantent encore la Marseillaise quand elles  franchissent la porte surmontée de la cynique inscription « le travail rend libre ».

Sur ces 231 femmes, 5 ont moins de 18 ans et la plus âgée a 68 ans. Toutes étaient des résistantes de la première heure et la grande majorité d'entre elles étaient communistes.

Dans ce convoi de janvier 1943, il y avait 21 Tourangelles  dont deux habitantes de St Pierre des Corps : Line PORCHER la plus âgée et Fabienne LANDY la plus jeune. Elles furent livrées à la Gestapo par la police de Vichy qui avait  fait le sale boulot de les arrêter.

Les mauvais traitements, la barbarie des SS, la maladie vont semer la mort parmi elles. 3 mois plus tard, en avril, elles ne sont déjà plus que 70 ; en août il n'en restera que 57. Seulement 49 d'entre elles survivront et pourront revoir la France en 1945 après avoir vécu plus de 2 années de calvaire.

2 années à travailler sans relâche, l'estomac vide, dans le froid, 24 heures sur 24. . C’est ce que les Nazis appelaient l’extermination par le travail, la première étape d’une mort programmée. Jusqu’à leur épuisement, ces esclaves constituaient une main d’œuvre gratuite que la race dite supérieure louait aux grandes entreprises allemandes dont celles encore bien connues dans le domaine de l'automobile ou de l'équipement ménager.

Ces empires ont construit leur honteuse richesse sur le malheur de ces femmes. Pour prendre l'exemple de Siemens, par exemple, 80 000 femmes ainsi exploitées se sont relayées, de jour comme de nuit, pour apporter une main d'œuvre gratuite, sur toute la durée de la guerre

Les médecins nazis avaient décidé qu’un déporté n’est rentable que 9 mois ; au-delà, il coûte cher à l’Allemagne. On comprend bien ce que cela veut dire.

Ces femmes se sont battues pour refuser la servitude, pour refuser ce qui fut la honte de l'humanité : le fascisme hitlérien, le nazisme. Mais, comme l'a écrit Charlotte DELBO, déportée à Ravensbrück : « quand on revient d'un ailleurs aux autres inimaginable, c'est difficile de revenir et de reparler aux vivants ».

Alors les survivantes se sont donné un but : faire comprendre cet ailleurs aux nouvelles générations : l'horreur de la haine de l'autre, du préjugé de tout être humain dont elles ont vécu le paroxysme. Elles demandent que les nouvelles générations sachent détecter les résurgences et s'engagent pour éviter le retour de ces horribles crimes contre l'humanité.

Il faut visiter les camps de la mort pour imaginer ce qu'ont vécu ces femmes, esclaves mais toujours conscientes de leur force, tellement courageuses, tellement combattantes et tellement organisées pour sauver leurs camarades qui avaient perdu l'espoir et parfois même l'envie de vivre. Il faut aller visiter ces camps-mémoires. Il faut savoir jusqu'où le fascisme allié au capitalisme peut aller.

De ces 21 femmes tourangelles,  une seule reverra la Touraine : Hélène FOURNIER. A sa libération en 1945, c’est elle qui acceptera la triste mission d'informer les familles qu'il n'y avait plus d'espoir de revoir les leurs.

A l'hommage rendu à ces femmes, nous nous devons aussi d'associer la mémoire de toutes les victimes du nazisme. N'oublions pas les fusillés du Mont Valérien, de Chateaubriand (parmi lesquels un jeune de 17 ans, Guy Môquet) et du Camp du Ruchard où les 5 premiers fusillés, le 16 mai 1942, étaient des jeunes corpopétrussiens. Leur souvenir est toujours présent dans notre ville puisqu’une rue porte leur nom : André ANGUILLE, Maxime BOURDON , André FOUSSIER, Robert COUILLAUD, Robert GUILBAULT. A ces  noms, ajoutons ceux de Louis ANDRE, Maurice BEAUFILS, Paul DESORMEAUX, Louis GIROD, et trois autres camarades qui seront également fusillés au Camp du Ruchard le 22 octobre 1942. N’oublions pas non plus les victimes des villages martyrs comme Oradour sur Glane ou plus près de nous Maillé, Maillé où, jusqu’en 2019, la Ville de St Pierre a honoré les 124 morts par sa présence à la cérémonie du 25 août.

Depuis ce 24 janvier 1943, bien des années ont passé. Les témoins ont disparu et il nous reste le devoir d'informer et d'informer encore.

Informer les jeunes surtout afin qu'ils connaissent cette période tragique qui, à mon sens, n’a pas la place qu’elle devrait avoir dans les cours et les livres d'histoire. Et pourtant, les enfants sont très intéressés par cette période de notre histoire.

En 2019, l’ADIRP-FNDIRP a invité 2 fois Lili LEIGNEL, déportée à l’âge de 11 ans à Ravensbrück. 1200 enfants ont écouté son témoignage et je peux vous dire mon admiration (et celle de leurs profs également !) devant leur attention, leur concentration et surtout pour le respect dont ils ont fait preuve devant cette dame si digne et si déterminée dans son engagement. Elle veut  permettre aux  jeunes de savoir, de comprendre et de faire en sorte que de telles horreurs ne se renouvellent pas.

« Plus jamais ça » ont déclaré les déportés survivants. Que comme nous, la jeunesse ne se laisse pas berner par les idées populistes de l'extrême droite qui n’ont qu’un seul objectif : imposer le fascisme et les crimes qu'il engendre.

A la fin de cette Guerre Mondiale, le rêve était d'aller vers un monde meilleur fait de solidarité, de fraternité et de paix, vers « des jours heureux », cette belle formule par laquelle les résistants ont conclu les grandes idées et les révolutions créées par le CNR.  Ils ne se sont pas battus que pour libérer la France. Ils ont lutté pour les idées qui les motivaient : changer le monde pour aller vers un monde sans guerre ni misère.

Rappelons-nous que le nazisme est né durant une grave crise économique en Allemagne, dans un système social particulièrement dégradé. Les Allemands étaient touchés par la misère, le chômage, le manque d’argent, le manque de tout. Les esprits étaient perturbés et Hitler a su manipulé les gens et surtout les jeunes. C’est comme cela qu’il est arrivé très légalement au pouvoir.

Comment ne pas faire la relation avec ce que nous vivons aujourd'hui. Le terreau du nazisme, du fascisme, du terrorisme est toujours aussi fécond. Même si la misère économique, la misère intellectuelle n'expliquent pas tout, elles sont la preuve que les esprits fragiles sont des proies faciles pour des idéologues fanatiques et criminels.

II faut se battre pour que l'Education Nationale remplisse son rôle d'éducation et de formation des enfants dès la maternelle pour qu’ils apprennent non seulement à comprendre mais aussi et surtout à réfléchir et à devenir des citoyens responsables.

Je voudrais vous donner deux citations : l’une de Nelson Mandela « l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde » et l’autre de  Averroès, un homme de loi, médecin et philosophe du 12ème siècle « l’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation ».

Il faut se battre pour que toutes les misères ne soient pas rassemblées dans des quartiers ghettos.

Les femmes et notamment Femmes Solidaires ont leur rôle à jouer dans ces revendications.

Dans les familles touchées par la misère, c'est souvent la femme qui doit gérer l’argent qu'elle n'a pas, qui doit faire face à l'incompréhension de ses enfants sur ces injustices, qui doit organiser la vie de sa famille comme elle le peut.

Il faut se battre pour que soient développés le sport, la culture, deux domaines particulièrement importants pour tous. On le comprend encore davantage en ce moment où nous n’avons plus accès à ce qui fait la vie, l’enrichissement personnel, la convivialité et le bien vivre ensemble.

Je voudrais associer à cette cérémonie la journée de ce 22 janvier 2021, date à laquelle entre en vigueur le traité sur l’interdiction des armes nucléaires adopté en 2017 par l’Assemblée Générale des Nations Unies. Ce traité est d’autant plus important qu’il fait suite à un scenario catastrophe, jusqu’alors insoupçonné : depuis le cauchemar Trump, personne ne peut plus ignorer le péril que peut représenter la possession des codes nucléaires par un chef d’état à l’état mental douteux, comme l’a souligné Nancy Pelosi, la Présidente des représentants des Etats Unis.

Le procès de Nuremberg a eu une autre dimension que le seul verdict à l’égard des prévenus. Il y est avancé les notions de « crime contre la paix », «  crime de guerre » et surtout « crime contre l’humanité », c’est-à-dire « assassinat, extermination, réduction en esclavage, déportation et tout acte inhumain commis contre des populations, ou bien persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés ».

C'est aussi ce pourquoi se sont battues ces 231 femmes, au tout début de la Résistance. Elles avaient un idéal : débarrasser la France du fascisme, du terrorisme nazi et retrouver la paix pour que leurs enfants puissent vivre dans un pays libre et fier.

Essayons de poursuivre encore et toujours leur engagement. Nous leur rendrons ainsi le véritable hommage qu'elles méritent.

Dans le Manifeste de Neubrandenburg, des femmes détenues politiques ont écrit, au printemps 1944, dans l'obscurité, comme un testament pour la postérité :

« Nous formulons le vœu que nos enfants veuillent considérer l'existence libre des êtres humains comme valeur suprême, que le droit à la vie, le droit à la dignité personnelle et le droit à la liberté ne puissent plus jamais être violés.

Dans la coexistence des peuples, l'égalité sociale et la justice doivent remplacer toutes les aspirations à la domination ».

Pour terminer, je voudrais vous lire l‘extrait d’un poème écrit par Charlotte Delbo, déportée à Ravensbrück : ce n’est pas seulement un poème, c’est un appel à la lutte :

Je vous en supplie .... faites quelque chose, ...

Quelque chose qui vous justifie…

Apprenez à marcher et à rire

Parce que ce serait  trop bête, à la fin

Que tant soient morts

Et que vous viviez sans rien faire de votre vie.

Le discours de Danièle Bouhourdin a été suivi par la diffusion du Chant des Marais (Hymne européen des déportés).

Le salut aux porte-drapeaux porte-drapeaux

 

Pour en savoir plus sur le convoi du 24 janvier 1943 (cliquez ici)

 

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