Une tuilerie devenue centre d’internement : c’était en 1939 aux Milles.
© (Photo Plon)

 

Source : https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/camp-des-milles-decrypter-et-comprendre-le-passe-pour-preparer-l-avenir

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Seul camp d’internement français entre 1939 et 1942, l’ancienne tuilerie près d’Aix-en-Provence est devenue un Mémorial, un musée pour que « l’histoire alerte le présent ».

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Près d’Aix-en-Provence, au cœur de la Provence, le mistral souffle sur Les Milles et son Mémorial trop peu connu.

Camp d’internement et de transit, Les Milles ont hébergé près de 10.000 enfants, femmes et hommes entre 1939 et 1942. En zone libre et selon la volonté de Français.

 

Un récit qui construit le présent

 

Ce qui en fait un lieu de mémoire unique en son genre, d’autant qu’il est en parfait état de conservation, la tuilerie n’ayant été fermée qu’en 2006 (après avoir repris son activité en 1947). Un site historique conçu comme un récit qui construit le présent. Pédagogique, didactique et sociologique.

 

L’ancienne tuilerie : 15.000 m2 transformés en camp d’internement.
© (Photo Plon)

 

En 1939, alors que les canons sont chargés, le gouvernement français décide d’interner les Allemands réfugiés en France, pour la plupart pour fuir le régime nazi.

Pour ce faire, une tuilerie provençale de 15.000 m2, récemment désaffectée, est choisie comme lieu d’internement et placée sous un commandement militaire français. Là sont envoyés de nombreux artistes, écrivains et intellectuels, « sujets ennemis ».

 

Une salle où les artistes créaient, sculptaient, jouaient.
© (Photo NR)

 

Malgré la privation de liberté et les conditions de vie difficiles, la création reste vivace et peintres, sculpteurs et musiciens laisseront leur empreinte dans le camp. Tels Max Ernst, Gustav Ehrlich (qui deviendra le dessinateur de presse Gus) Franz Meyer ou Max Lingner, les musiciens Erich Itor Kahn ou Adolf Siebert, des dramaturges, des comédiens…

 

Créer pour rester en vie.
© (Photo Plon)

 

À partir de juillet 1940 et jusqu’en août 1942, ce sont des « indésirables » qui sont internés ou en transit pour les camps de la mort : des juifs, des Républicains espagnols, des immigrés d’Outre-mer.

Y vivre devient terriblement difficile, les maladies se propagent d’autant plus que l’hygiène est inexistante, la nourriture y est insuffisante. Le camp est surpeuplé avec jusqu’à 3.500 internés en même temps.

 

Les paillasses sont posées à même le sol.
© (Photo NR)

 

Parallèlement, se construisent des filières de soutien, d’évasion, de résistance. Plusieurs de ces femmes et de ces hommes résistants seront faits Justes.

 

Camp des Milles : découvrez un lieu unique en France pour apprendre de notre passé (cliquer ici)

 

Le pire arrive en août et septembre 1942 quand Les Milles deviennent point de départ de convois de la mort vers Auschwitz via Drancy en région parisienne (plaque tournante ferroviaire de la déportation).

Plus de 2.000 juifs, dès l’âge de deux ans, quitteront le camp en cinq convois : le gouvernement de Vichy a accepté de livrer 10.000 juifs venus de « zone libre » qui ne sera occupée par les Allemands qu’en novembre 1942. Le camp fermera en décembre 1942.

 

Pour se souvenir…
© (Photo Plon)

 

L’un des wagons qui transportaient les déportés vers Auschwitz via Drancy.
© (Photo Plon)

 

Il est aujourd’hui musée. Grâce à l’obstination et au soutien de quelques-uns et à la fondation créée pour donner à ce lieu son âme mémorielle et témoigner. En donnant des clés de compréhension scientifiques pour comprendre et rester vigilant sur les processus sociologiques qui conduisent à ces horreurs. Discriminations, antisémitisme, racismes, xénophobie et toutes les menaces du vivre-ensemble et de la paix civile sont décryptés au fil de la visite du Mémorial que 800.000 personnes ont visité depuis son ouverture en 2012.

C’est un lieu de souvenir, mais aussi (et surtout), un espace d’éducation, de connaissances avec l’espace où sont expliqués les engrenages qui conduisent au pire. La pédagogie pour la fraternité.

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Manuel de survie démocratique

Le Mémorial, outre le fait qu’il est un musée, a travaillé, et travaille encore, sur les dérives sociétales qui conduisent aux horreurs historiques. Et présente, à l’aide de documents et d’un film, l’engrenage qui y conduisent.

Des scientifiques ont effectué un exercice pluridisciplinaire de recherches sur les phénomènes extrémistes et comment les sociétés peuvent basculer.

  • Des stéréotypes, la peur de l’autre, l’ignorance, des injustices et
    inégalités, le racisme et les discriminations : le terreau est prêt à l’émergence d’un extrémisme identitaire avec une minorité agissante.
  • La manipulation du langage, une crise sociale ou politique, l’émergence de peurs des rumeurs complotistes amènent une démocratie à rogner sur les droits des citoyens pour glisser vers un régime autoritaire.
  • Pertes de repères, institutions ébranlées, demande d’autorité, désordres sociaux, violences : l’État de droit est affaibli. L’arrivée, le plus souvent par les urnes (les exemples ne manquent pas) d’un pouvoir extrémiste et/ou autoritaire est une conséquence inéluctable.

C’est ce que veulent éviter les fondateurs du Mémorial : que l’histoire se reproduise. Alerter, informer, enseigner pour éviter de telles dérives autoritaires qui conduisent à l’horreur : tel est le message de la Fondation du camp des Milles.

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Une fondation et de l’obstination

> Il aura fallu trente ans pour que le site devienne Mémorial. Avec le soutien de Simone Veil, Elie Wiesel, Jorge Semprun, Serge Klarsfeld (vice-président de la Fondation). Et bien sûr de son président Alain Chouraqui.
> Il a ouvert ses portes au public en 2012. « J’avais la conviction, comme d’autres, qu’il fallait faire revivre ce lieu et lui donner un sens pour comprendre le présent et préparer le futur. »
> Le musée est composé de plusieurs parties. Une section historique avec une analyse de la « montée des périls ». Un volet mémoriel avec la découverte des lieux et des traces laissées par les internés (peintures, fresques…). Puis un secteur qui présente les résultats de travaux scientifiques pluridisciplinaires sur les génocides pour mieux comprendre les étapes de l’engrenage qui emmène un peuple ou groupe ou un pays vers le pire et l’abîme.
> Les Justes, résistants et tous ceux qui ont aidé les internés, sont présentés sur un mur, pour un hommage à leur courage et leur humanité.
> À l’extérieur, l’allée des Justes mène jusqu’au wagon, symbole de la Shoah et de la déportation vers les camps de la mort.                                                                                > Ariane Bois a situé l’intrigue de son dernier roman « Ce pays qu’on appelle vivre ». Pour l’occasion, elle est retournée au camp des Milles où a séjourné sa grand-mère.

Anne IRJUD

Journaliste, service des informations générales, Tours

 

ADIRP 37-41

Notre site : adirp37-41.over-blog.com

Nous contacter :  adirp.37@orange.fr

 

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